Réflexion sur l’interprétation de la loi d’amnistie:Mme Abibatou Samb appelle à un dialogue inclusif et constructif sur ce sujet d’intérêt National :.

Alors aujourd’hui j’ai la tâche, je ne dirai pas la lourde tâche, on va alléger tout ça, de vous parler de cette loi d’amnistie qui est devenue, on va dire, le sujet de prédilection de toutes les familles, de tous les médias ou presque, de tous les professionnels depuis quelques jours. Alors je commencerai par enlever la casquette de l’avocate et de la vice-présidente de l’ONDH pour parler en tant que citoyenne lambda. Car je crois que si nous sommes élus aujourd’hui et que nous discutons, nous parlons de cette loi, c’est parce que humainement, on a besoin de savoir.
C’est parce que humainement, on se sent concerné au-delà même de nos différentes casquettes. Alors vous me permettez très brièvement de partager une expérience avec vous, tout en rendant hommage à un jeune qui a passé 8 mois en détention pour avoir été poursuivi, le projet d’avoir été à l’origine de casse des meutes à Diamaguène. Ce jeune, mon confrère Abou qui est ici présent, doit certainement le connaître, d’ailleurs je vous présente mes condoléances, chers confrères.
Il s’agit de celui qu’on a dénommé dans la presse Thié Ernest, dont le vrai nom est Bara Dieng. Alors rapidement, Bara est un ami, un jeune frère, qui a fait des travaux chez moi puisqu’il est spécialisé dans la composée métallique. Un soir j’entends parler de Thié.
Le grand Thié, il a donné des instructions, il a organisé tout ça. On le recherche, il est injoignable. J’avais les coordonnées d’un de ses collaborateurs, je l’ai appelé en lui disant mais ce que j’entends dire ce n’est pas Thié, ce n’est pas Baratien que je connais pas.
On l’accuse d’avoir pris la fuite et d’avoir été à l’origine de ce qui se passe à Diamaguène Alors je dis à son frère et à son collaborateur, si toutefois Bara vous contacte, dites-lui de m’appeler. Et ça s’est passé comme ça.
Moins de 48 heures plus tard, Bara m’a contacté. Il m’a dit, maître je ne comprends pas ce qui se passe, qu’est-ce que je dois faire ? Je lui ai dit, il faut aller répondre. Vous n’avez pas le choix.
Quand la justice vous convoque, allez répondre. Bara est allé répondre. Bara est sorti huit mois plus tard.
Bien sûr, on a échangé régulièrement. Et Bara aujourd’hui, traîne encore les séquelles de son séjour à Rougos, un jeune homme normal, tranquille, qu’on a accompagné le jour de l’audience. Et là-dessus, des fois, la justice ne prend pas ses responsabilités.
On est arrivé à l’audience. Il a eu une peine qu’on a calée quasiment sur le temps de sa détention. Et le jour même, il est sorti de prison.
Ce n’est pas très courageux. Tout ceci pour vous dire que cette loi d’amnistie, au-delà même de l’aspect professionnel qu’on peut avoir, elle nous touche et elle nous concerne toutes. Alors aujourd’hui, madame la professeure, vous me permettrez très brièvement de ne pas faire ce qu’on nous suggère quand nous sommes à la faculté de droit, c’est-à-dire sur le thème proposé, présentation et incidence de la loi d’amnistie.
Je vais vous éviter un traitement philosophique, à vous chercher des formules extraordinaires. Je vais scinder la présentation en deux phases, présentation et incidence. Vous pardonnerez madame la professeure.
Alors, présentation. Qui est mieux que la loi elle-même pour parler d’elle-même? J’aurais envie de dire qui est mieux que l’accusée pour nous expliquer ce qui a motivé son acte. Aujourd’hui, cette loi, vous avez un contexte.
Vous avez une justification et vous avez un contenu. Le contexte, c’est d’abord un décret. Le Sénégal est en feu et en sang.
Un moment donné, il fallait y aller. Calmer tout ceci, calmer tous les dérapages de tous bords. Et le président de la République de l’époque a pris un décret.
2024-683. Ordonnant la présentation à l’Assemblée nationale du projet de loi portant amnistie. Ce décret nous dit, le projet de loi dont le texte est annexé au présent décret sera présenté à l’Assemblée nationale par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, qui sera également chargé d’en exposer des motifs et d’en soutenir la discussion.
L’article 2. Le garde des Sceaux, ministre de la Justice et le ministre du Travail, chacun en ce qui le concerne, a en charge l’exécution du présent décret. Le contexte est là. On ne peut pas en dire plus.
1er mars 2024. Le Sénégal, comme je l’ai dit tout à l’heure, est en feu et en sang. Deuxième étape, justification.
Qui mieux que la loi peut parler d’elle-même ? Projet de loi portant amnistie. Exposer des motifs. Nous autres défenseurs des droits humains, nous avons reprouvé des notions qui nous parlent et qui font qu’aujourd’hui, nous sommes là-devant.
Je ne veux pas participer à cette affaire. L’exposer des motifs, je ne dis rien, car qui traduit, trahit. Peut-être qu’il résume aussi dans certaines conditions, donc je m’abstiendrai de résumer.
Nous allons parler d’elle et de l’accusée aujourd’hui. En tant que telle, nous devons faire le point sur ce qu’elle a proposé comme acte. Dans le but d’apaisement du climat politique et social, de renforcement de la cohésion nationale, de consolidation du dialogue national, et afin de permettre à certaines personnes qui ont eu maille à bâtir avec la justice de participer pleinement à la vie démocratique, M. le Président de la République entend poursuivre la mise en oeuvre des mesures de décrispation, et donc respect, au-delà du droit de grâce que lui reconnaît la Constitution.
De surcroît, la volonté du législateur a toujours été de favoriser l’exercice démocratique dans un contexte de dialogue et d’ouverture politique. Cela s’est traduit à chaque fois par l’abruption de lois portant à l’esprit des infractions criminelles et correctionnelles ayant un lien avec des événements politiques conflits. Chaque mot dans ce texte a un sens particulier.
Certaines poursuites engagées devant les juridictions ont abouti à des condamnations, je parlais tout à l’heure de la situation de Thié Ernest dit Bara Dieng, ayant entraîné des incapacités et des déchéances liées au droit de vote et d’élection. C’est dans cet esprit que le présent projet de loi intervient pour amnistier les infractions commises au Sénégal, tant au Sénégal qu’à l’étranger, et couvrant une période allant de 2021 à 2024. Qui mieux que la loi peut nous indiquer son contenu ? Dans la loi d’amnistie, vous avez cinq articles, ni plus ni moins, juste ce qu’il fallait pour gérer la situation au moment où, effectivement, le Sénégal en avait le plus besoin.
Je m’en tiendrai à l’article premier pour éviter de trop utiliser de temps. Sont amnistiés de plein droit tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle commises entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques, y compris celles faites par tout support de communication que leurs auteurs aient été jugés immondes. Espaces temporaires, espaces géographiques, contenus détaillés par les quatre articles suivants.
Aujourd’hui, quand on parle de la loi d’amnistie, je crois qu’il faut repartir de ce contexte et de ce contenu, si on ne veut pas s’élargir. Nous avons parlé de la loi d’amnistie, de ce qu’elle dit, et de ce à quoi elle nous utilise à échanger. Alors, aujourd’hui, le contenu de cette rencontre, c’est qu’elle a introduit à l’Assemblée nationale un projet de loi dite d’interprétation.
On interprète, on clarifie On interprète le risque, c’est de rajouter, de supprimer. On interprète le risque, c’est de voir certaines personnes vous dire c’est parce que c’est moi que j’ai été écartée ou parce que c’est moi que j’ai été maintenue dans le cadre de cette loi. Mais on ne croit pas que la société civile, quasiment dans sa généralité, a demandé à ce qu’on subisse à l’examen de cette loi d’interprétation.
Je termine mes propos pour éviter encore une fois d’utiliser le temps en parlant des incidences. Vous avez dit tout à l’heure, présentation des incidences de la loi d’amnistie. S’agissant d’un panel, je vous permettrai tout simplement d’évoquer quelques pistes de réflexion avant de donner la parole à mes companelistes.
Pour les Incidences, la première qui vient automatiquement à la femme du droit que je suis, c’est le gel des poursuites.
On arrête. Il ne se passe plus rien. On n’évoque plus les faits.
On a dit que c’est fini. On a dit qu’on passait à autre chose. Gel des poursuites.
L’incidence directe automatique de cette loi, ça a été la libération de certains détenus qualifiés de détenus politiques. Bien après, pendant que les personnes étaient en détention, c’était mitigé. Certains disaient détenus politiques, d’autres disaient que ce n’était pas le cas.
Donc l’incidence directe, c’était la libération de certains détenus. Et pour nous autres, simples citoyens, ça a été le calme, l’apaisement, la tranquillité. Certains ne se retrouvaient plus dans ce Sénégal-là.
Moi, j’ai été menacée. On a mis ma photo sur des canaux de communication, en me traitant de tous les bons parce que j’ai osé prendre position, et en appelant les gens à venir mettre de feu chez moi. Je peux vous dire que je n’ai pas dormi cette nuit-là.
Mais franchement, quelque part, nous sommes tous victimes de cette situation. Et maintenant ? Maintenant, faut-il maintenir cette loi ? En l’état ? La laisser dans l’Ordre de nacement juridique et juridictionnel sénégalais ? J’ai l’impression que la majeure partie des personnes pensent que non, qu’on devrait la revoir. La revoir, est-ce que cela suppose l’abroger ? Totalement ? Partiellement ? Faut-il l’interpréter ? L’Assemblée nationale est-elle habilitée à le faire ? Je laisserai mes co-panélistes nous éclairer de leurs expériences.