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Kafountine : avec près de 3.000.000 de poissons débarqués par mois, le quai de pêche face aux défi de la conservation

Le quai de pêche de Kafountine est l’un des poumons économiques de la région de Ziguinchor. Plus de 700 pirogues y ont été répertoriées. Et l’ensemble de la population de la sous-régions à savoir des guinéens, des burkinabés, nigériens, ghanéens le fréquente. Cependant avec plus de 3.000.000 de poissons débarqués ces derniers mois selon Adrien Coly, adjoint chef de poste service des pêches de Kafountine, le quai fait face à d’énormes problèmes. Un manque d’infrastructures plombe le travail des mareyeurs qui à défaut d’industrie de conservation adéquate déverse le produit quelques fois périmé sur la plage en sus du quai menacé de disparition du fait de l’érosion. Les aires marines protégées restent d’un grand apport pour faire face à la raréfaction des ressources dans cette zone.

Kafountine chef-lieu de la communauté rurale de Kafountine, dans l’ancien arrondissement de Diouloulou, le département de Bignona et la région de Ziguinchor. Le village vit traditionnellement de la pêche et de la riziculture, mais le tourisme se développe rapidement grâce à la plage le long des filaos et de nombreux campements ont été aménagés, notamment autour de l’écotourisme.

Dans le cadre du projet d’appui à la politique d’aires marines protégées du Sénégal à travers la conservation et la mise en valeur durable des mangroves de la Casamance et du Sine-Saloum , une équipe de journalistes a visité le quai de pêche de Kafountine. Malgré la raréfaction des ressources, le quai accueille ces derniers mois près de 3.000.000 de poissons mensuellement. Une prouesse rendue possible en partie par les aires marines protégées.

Mais au niveau du quai les problèmes existent et le plus latent reste la conservation du produit. « Il y a beaucoup de manquements dans le quai de pêche de Kafountine. Nous avons un problème de parking pour les véhicules et l’accès du site reste difficile. Les véhicules venant de Saint Louis, Joal Mbour sont ici à Kafountine. Plus de deux mille pirogues sont là. Elles se retrouvent toutes ici. Nous voulons qu’on nous aide par rapport à cette situation. Pour la préservation du site, beaucoup de promesses ont été faites mais rien de concret » a fait savoir Mor Talla Fall un des gestionnaires du quai de pêche.

« La route est défectueuse de même. C’est le cas du lieu ou on déverse les poissons. On peut dire que toute l’Afrique de l’Ouest est à Kafountine. Les étrangers sont dans les différentes activités de ce quai de pêche à savoir la transformation de poissons fumés et secs. Le quai a été créé vers les débuts des années 2000. Nous n’avons pas de matériel, il nous arrive d’aller jusqu’à Ziguinchor pour chercher de la glace. Difficile de conserver les poissons débarqués ici. Même les piroguiers pour accoster ont des problèmes et s’ils restent en mer, les vagues détruisent les embarcations. S’il y a beaucoup de poissons, on les déverse par terre » a-t-il ajouté.

La transformation, une alternative couteuse…en bois

La transformation des poissons reste une alternative cependant pour les acteurs de la pêche. Les associations de femmes s’y attellent comme celle de Siré Diabang. Son Gie s’adonne à la pratique des techniques de séchage, de fumage du poisson. « Nous fumons les pélagiques, l’Arius parkii (poisson chat) des kobos, le requin et le rais. Le Gie est composé de 60 femmes. Dans les périodes où la ressource est abondante nous parvenons à fumer presque 1 tonne de poissons par jour. Pendant cette période, une seule femme peut faire fumer 500 kg de poissons » a-t-elle expliqué. Cependant a-t-elle ajouté « nous sommes confrontés à d’énormes problèmes pour alimenter nos fours ». En effet, ces fours alimentés au bois accentuent la dégradation des forêts.

« Avec l’interdiction de la coupe de bois, nous sommes confrontés à d’énormes problèmes pour alimenter nos fours. C’est pourquoi, nous réclamons des fours modernes qui prennent moins de bois. Parce qu’il est interdit la coupe de bois, même si certains persistent toujours à convoyer du bois pendant la nuit » a ajouté Mme Diabang.

Selon le Colonel Momar Sow, coordinateur du Projet AMP Mangroves, il y a beaucoup de revenus dans le poisson fumé. Ce qui fait que des hommes d’affaires de gros calibres mettent les moyens pour renflouer leur commerce au détriment des forêts. « C’est la ressource halieutique qui consomme le bois. Dès fois, il y a des liens très étroits c’est pourquoi les gens se battent pour les méthodes nouvelles de transformation. Des fours qui fonctionnent avec le solaire sont mis en place pour éviter la coupe de bois. Toute cette problématique doit être prise en compte par les aires marines protégées » a-t-il expliqué.

La préservation des ressources, un sacerdoce pour le conservateur de l’aire marine protégée d’Abéné

Si le village de Kafountine continue de vivre de la pêche c’est aussi grâce aux actions que mène le Projet d’appui à la politique d’aires marines protégées du Sénégal. Pour le Capitaine Jean Valentin Samedy, conservateur de l’aire marine protégée d’Abéné, créée en 2004, ce sont d’abord les populations qui tirent les retombées de la conservation « Nous conservons pour une utilisation durable ». « Nous essayons autant que possible avec les populations de les impliquer dans la gestion, comme dans les prises de décisions notamment les réunions tenues avec les membres du comité de gestion. Et suivant le thème nous déclinons un plan d’action ou un plan d’aménagement et de gestion où ils prennent part par rapport à la prise de décision et accompagnent donc le Conservateur dans la mise en œuvre des différentes activités. Ce qui fait qu’ils nous aident aussi bien dans la surveillance que dans les activités de sensibilisation. Les populations tirent d’abord les retombées de la conservation. Parce que nous conservons pour une utilisation durable, ce qui nous permet d’utiliser de manière efficace et efficiente les ressources. Au niveau des activités génératrices de revenus qui sont accompagnées par les différents projets, comme c’est le cas du projet AMP mangroves où certaines Gie de femmes bénéficient du financement pour accroître leurs revenus et avoir un impact sur le développement local ».

L’aire marine protégée d’Abéné avec une superficie de 119 km2 est à cheval entre la Gambie au niveau de la frontière avec le village de Niafrang et l’hôtel Karong sur 20 km et sur une largeur de moins de 11 km. Il a 5 villages périphériques qui la bordent et qui sont Kafountine, Thiana, Abéné, Kabadio et Niafrang.

Concernant l’érosion marine, « à part la conservation, nous mettons l’accent sur l’interdiction du prélèvement de sable » a expliqué le conservateur.

« Parce que la mer avance et si on n’est pas vigilant sur le prélèvement de sable ça va accentuer et accroître même le rythme d’avancée de l’érosion côtière. En-dehors de ça, il y a des actions qui sont menées dans la sensibilisation pour permettre aux acteurs d’éviter de mettre des infrastructures durables, puisqu’après c’est des pertes. Mais, jusqu’à présent il n’y a pas d’actions concrètes des partenaires. Cela demande des moyens pour faire face aux avancées de l’érosion côtière. Ce qui important, c’est de mettre en place des digues, des cordons de pierres et d’autres actions solides pour arriver à réduire l’avancée de la mer sur la côte » a-t-il prôné.

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