Économie : De la possibilité de résorber le Chômage des jeunes
Le problème en Afrique est que la croissance du PIB réel a parfois été faible, se situant à peine au-dessus de la croissance démographique, notamment durant la période des politiques d’ajustement structurel (1980-2000).
Comment faire pour créer des emplois décents en masse en Afrique ? La réponse à cette question ne fait aucun doute pour les gouvernements africains (et les institutions financières internationales, quand il leur arrive de s’y intéresser) : il faut augmenter le taux de croissance économique. L’idée est qu’un taux de croissance élevé du PIB réel doit se traduire par un rythme soutenu de créations d’emplois dans le secteur moderne qui vont à leur tour contribuer à réduire le taux de chômage. Cette vision répandue chez les décideurs africains suppose la croyance en l’existence de la loi d’Okun – qui établit un lien entre le taux de croissance économique et la variation du chômage – et la croyance qu’elle n’opérerait pas différemment dans le contexte africain. Hélas, l’évidence empirique est plutôt circonspecte sur la loi d’Okun (Lee et al 2020)
Le problème en Afrique est que la croissance du PIB réel a parfois été faible, se situant à peine au-dessus de la croissance démographique, notamment durant la période des politiques d’ajustement structurel (1980-2000). Quand la croissance économique a été élevée, comme durant la période 2000-2015, elle a souvent été tirée par un boom des produits primaires et/ou une dynamique d’endettement en monnaie étrangère. Or, ce type de croissance économique n’est souvent pas créateur d’emplois décents en raison de son intensité en capital. De plus, il tend à être associé à une certaine fragilité financière : l’accumulation de dettes en monnaie étrangère entraîne souvent des phases ultérieures d’austérité et donc de ralentisse- ment. Il en résulte que la croissance économique a été la plupart du temps jobless en Afrique (Economic Commission for Africa & African Union 2010). Autrement dit, les créations nettes d’emplois interviennent pour l’essentiel dans le secteur informel.
Certes, la croissance économique peut conduire à une amélioration de la qualité moyenne des emplois du secteur informel, à l’augmentation des revenus de certains segments de travailleurs et à la réduction de la pauvreté. Mais elle n’est pas nécessairement créatrice nette d’emplois décents en masse. Dans le contexte des pays peu industrialisés et dépendants de la demande extérieure pour leurs produits primaires, la nature de la croissance importe sans doute plus que son niveau. Pour promouvoir la création d’emplois décents, la croissance dans le cadre de la spécialisation primaire, un fait commun à près de 9 pays sur 10 en Afrique subsaharienne (UNC- TAD 2019), doit laisser place à une croissance dans le cadre d’économies transformées qui reposent de plus en plus sur la demande intérieure.
Dans la plupart des pays africains, le secteur moderne est incapable de créer des emplois en masse malgré sa part importante dans la production marchande (Fox et al 2013). La faible élasticité emploi de la valeur ajoutée reflète souvent la taille réduite du secteur manufacturier qui est traditionnellement créateur d’emplois en masse. Les gouvernements africains avaient pourtant consenti de nombreux efforts entre les années 1960 et 1980 pour stimuler la transformation structurelle de leurs économies. Toutefois, dans le contexte de la crise internationale de la dette, l’imposition par le FMI et la Banque mondiale de politiques déflationnistes et de politiques de libéralisation économique et financière ont anéanti les progrès en matière d’industrialisation. Ainsi que le soulignait un rapport de la CNUCED (2005 : 34-35).