Dr. Ndongo Samba SYLLA, économiste : « Une économie capitaliste tirée par l’investissement privé ne peut pas garantir le plein emploi »
Dans une étude intitulé « Pour un plein-emploi décent en Afrique : réflexions sur la garantie d’emploi », l’économiste Ndongo Samba SYLLA souligne que la garantie d’emploi est un pilier important de la Théorie monétaire moderne (MMT).
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La question de l’emploi des jeunes demeure jusque-là un problème pour les gouvernements africains. Au Sénégal, beaucoup d’efforts ont été faits dans le cadre du programme « Xëyu ndaw ñi » (emploi des jeunes) mais le problème reste entier avec un taux de chômage qui ne cesse de grimper entrainant des vagues de départs de jeunes vers l’Europe par l’émigration irrégulière. Pourtant des spécialistes de l’économie ont donné des pistes de solutions aux autorités étatiques, mais semble-t-il la volonté politique ne suit pas.
Dans une étude intitulé « Pour un plein-emploi décent en Afrique : réflexions sur la garantie d’emploi », l’économiste Ndongo Samba SYLLA souligne que la garantie d’emploi est un pilier important de la Théorie monétaire moderne (MMT). Selon la MMT, derrière l’idée d’une garantie d’emploi il y a la reconnaissance non seulement que le chômage occasionne des pertes économiques importantes, en marge de ses conséquences psychosociales et politiques, mais encore qu’une économie capitaliste (tirée par l’investissement privé) ne peut pas garantir le plein-emploi à moins que l’État n’intervienne pour offrir des possibilités d’emploi à ceux qui se retrouvent involontairement au chômage.
Par ailleurs, la MMT lie la garantie d’emploi à la question de la souveraineté́ monétaire. Partant de la monnaie comme un monopole public, elle souligne que le prélèvement d’impôts et de taxes crée du chômage qu’elle interprète comme une situation de demande non-satisfaite d’emploi rémunèré dans l’unité́ de compte de l’État.
La garantie d’emploi, selon la MMT, est l’instrument qui permet de matérialiser la promesse constitutionnelle du « droit à un travail » et qui fait passer le salaire minimum de norme légale nominale à une norme nationale effective (pour les travailleurs sans emploi, le salaire minimum est de zéro). Elle a l’avantage d’être « une approche de dépense minimale en faveur du plein-emploi. » (Mitchell 2017: 60) La MMT va donc plus loin que les approches économiques hétérodoxes promouvant une stratégie de « développement centrée sur l’emploi » (employment-centred development) qui ne défendent pas nécessairement un programme de garantie d’emploi (Pollin et al. 2006 ; Heintz et al. 2008).
« Le gouvernement doit garantir un emploi rémunéré au salaire minimum à toute personne en âge de travailler. Pour garantir le plein emploi, l’État doit offrir des possibilités d’emploi à ceux qui se retrouvent involontairement au chômage Dans la perspective de la théorie monétaire moderne, la garantie d’emploi est lié à la question de la souveraineté monétaire. Cela veut dire que la monnaie est un monopole public, seul l’État a la capacité d’émettre sa monnaie à travers sa banque centrale, aucun autre agent économique ne peut le faire.
Si on conçoit la monnaie comme un monopole publique, on comprend que le prélèvement d’impôts et de taxes crée du chômage », soutient l’économiste Ndongo Samba SYLLA, lors d’une cérémonie de restitution de cette étude sur la garantie d’emploi, dans le cadre des « samedis de l’économie ».
À en croire l’économiste, le fait d’imposer aux populations de payer des impôts et des taxes crée du chômage par le fait que s’il n’y a pas suffisamment de monnaie dans l’économie, certains se retrouvent sans accès aux numéraires (les chômeurs). Cette situation met clairement en exergue la responsabilité de l’État. Cela veut dire qu’un État qui a sa propre monnaie peut toujours acheter tout ce qui se vend dans sa propre monnaie y compris la main d’œuvre inemployée. Donc, l’État seul est capable de résoudre le chômage en injectant la quantité de monnaie nécessaire.